Quentin Nickmans n’est pas un business angel comme les autres. Cofondateur de Hexa et de ses trois start-up studios, il a lancé plus de 30 entreprises dont la valorisation cumulée dépasse 5 Md$.
Dans cet entretien, Quentin revient sur son parcours et partage ses conseils pour débuter en business angel et mener un syndicat.
Points clés :
- Le modèle studio d’Hexa (B2B SaaS, Fintech, Web3) industrialise la création d’entreprises et décharge produit/design/ops pour que les fondateurs se concentrent sur l’exécution.
- Pour bâtir un portefeuille d’angel : investir là où l’on a un edge, partager le dealflow, privilégier l’équipe avant l’idée, diversifier fortement et n’investir que de l’argent risquable.
- Mener un syndicat accroît l’impact et l’exigence : diligence et gouvernance approfondies, plus de capital et de droits (pro‑rata), rémunération alignée via le carry — sans frais d’entrée/gestion.
- Sourcing et sélection structurés : réseau + marque perso, premier filtre sur la qualité des supports, second sur l’équipe ; transparence (reporting régulier) pour engager les co‑investisseurs et activer leurs “asks”.
Roundtable : Quentin, votre parcours inspire de nombreux entrepreneurs et business angels. Pouvez‑vous nous parler de vos débuts et de la création d’Hexa ?
Quentin Nickmans : J’ai commencé chez Boston Consulting Group pendant quatre ou cinq ans. Puis quelqu’un m’a dit que si je restais plus longtemps, je ne pourrais plus faire marche arrière et m’a encouragé à voir autre chose.
Je suis donc parti et j’ai repris une entreprise en faillite, EatingDesk. Imaginez Deliveroo avant les smartphones. Quand nous avons repris la société, tout était archaïque, on passait même par des fax ! Nous avons automatisé tout ce qui pouvait l’être en développant des logiciels. Au final, tout reposait sur le software et nous avions bâti une belle entreprise.
J’ai adoré les deux premières années. Mais à partir des années 3 et 4, le travail est devenu répétitif : l’entreprise roulait sans défis particuliers, et je dois admettre que je n’étais pas fan du secteur, alors j’ai vendu.
Peu après la vente de cette première entreprise, j’ai rencontré mon associé, Thibaud Elzière. Ce fut un tournant pour moi.
Nous avions — enfin, il avait — beaucoup d’idées basées sur le logiciel et nous nous sommes associés pour les lancer ensemble. C’est la naissance de notre start‑up studio eFounders.
C’est désormais trois équipes spécialisées au sein d’Hexa. Chacune travaille sur un vertical précis (B2B SaaS, Fintech et Web3) avec une équipe dédiée de product managers, designers, etc.
Notre principe : créer des entreprises logicielles from scratch et les soutenir sur le produit, le design, les RP, le recrutement, la finance, le juridique, …
Les fondateurs n’ont qu’une chose en tête : construire la prochaine grande entreprise logicielle.
Roundtable : Des conseils pour quelqu’un qui veut construire son portefeuille ?
Quentin Nickmans : Absolument.
- Identifiez vos forces. Pour moi, c’est le SaaS : je le comprends sans doute mieux que la moyenne. Je sais quelles questions poser, quels KPI regarder, et quelles qualités chercher chez les fondateurs. Il est crucial de savoir pourquoi les opportunités vous parviennent. Si ce n’est pas clair, red flag.
- Réseau & partage. L’angel investing est un exercice social. Quand vous recevez du dealflow, partagez les bonnes opportunités avec des investisseurs de confiance. Ils vous renverront l’ascenseur. Leurs insights — pourquoi ils investissent ou passent — sont précieux.
- Les personnes avant les idées. Un grand entrepreneur peut transformer une idée moyenne ; l’inverse est rarissime. Priorisez l’équipe.
- Diversifiez. En tant qu’angel, vous ne savez jamais quel sera le home run. À mon sens, planifiez au moins 30 sociétés sur 2 ans.
- Acceptez le risque. Les investissements en startup sont risqués et totalement illiquides. N’investissez que ce que vous pouvez perdre.
Roundtable : Comment comparez‑vous le fait de mener un syndicat et d’investir en solo ?
Quentin Nickmans : Les deux ont leurs mérites. Je fais les deux, voici mon point de vue.
En solo. Comme business angel individuel, vous n’avez aucune contrainte. Vous pouvez investir à l’intuition, sur recommandation, ou parce que vous appréciez le fondateur. En général, votre ticket (pour moi 25–50 k€) est simple à obtenir en allocation.
Mais pour moi, c’est un side hustle : j’adore parler aux entrepreneurs — leur énergie me booste et j’apprends pour mon travail chez Hexa. Le revers, c’est que je passe rarement plus d’une heure avec eux avant d’investir ; je compte qu’un lead ou un groupe fasse une due diligence plus poussée. Si tout le monde pense ainsi… cela peut se retourner contre nous.
En lead de syndicat. Mener un syndicat implique davantage de responsabilités. Je lis les documents à la ligne près (ce que je fais moins pour mes deals perso). Je vais plus loin dans la due diligence : term sheet, liquidation preference, droit de préemption, etc. — tous les ingrédients de la gouvernance.
Vous jouez aussi le rôle de vendeur de l’opportunité : il faut convaincre les membres de vous suivre. On passe donc plus de temps que seul ; ne serait‑ce que rédiger un investment memo vous oblige à vérifier plus de choses. Une solution est de co‑animer le syndicat entre angels pour partager le travail.
C’est intéressant pour deux raisons :
- Vous déployez plus de capital : vous comptez davantage pour le fondateur, pouvez demander des droits pro‑rata, et vous êtes mieux informé en cas de coup dur. Votre réputation grandit, vous attirez de meilleurs deals.
- C’est plus lourd que d’investir seul, mais vous pouvez être rémunéré via le carried interest — aligné sur la performance. Je n’aime ni les frais d’entrée ni les frais de gestion : récompense immédiate pour le lead ; je pense qu’il faut être rémunéré au succès.
Roundtable : Comment sourcez‑vous vos deals ?
Quentin Nickmans : C’est un mélange de stratégie et d’intuition.
- Construire un réseau. La grande majorité de mes deals viennent de mon réseau.
- Bâtir sa marque perso. Demandez‑vous ce que les fondateurs apprécient chez un angel : décision rapide, expertise domaine, etc. J’ai bâti, lentement et discrètement, une réputation d’angel accessible sur les startups SaaS. Je ne cache pas que j’investis, mais je ne le crie pas non plus.
- Travailler avec des personnes très reconnues.
- Comprendre comment le marché vous perçoit. Avec Hexa, on est identifiés sur certains verticals, ce qui nous donne un avantage (mais pas sur tous).
Roundtable : Parlez‑nous de votre sélection.
Quentin Nickmans : Disclaimer : ceci vaut pour l’early stage. Pour des stades plus avancés ou d’autres classes d’actifs, il faut tout repenser.
Dans un pitch early, il y a des pré‑requis. Avant même de rencontrer les fondateurs : la qualité du deck, du site, du pitch — il me faut de la qualité. C’est mon premier filtre.
Le second filtre, c’est la qualité de l’équipe. Moins l’idée que les fondateurs. Leur clarté, leur connaissance et leur passion peuvent transformer une idée modeste en mine d’or. En un mot, ils doivent m’impressionner.
Roundtable : Engager des membres de syndicat peut être difficile. Comment maintenez‑vous l’intérêt et le soutien ?
Quentin Nickmans : La transparence est clé. Des updates réguliers, bons ou mauvais, créent la confiance. Les meilleures sociétés reportent au moins trimestriellement. Il est important que mes co‑investisseurs aient autant d’infos que moi. Si les fondateurs n’envoient pas de rapports, j’insiste davantage que lorsque j’investis en solo.
Les fondateurs font souvent des “asks” (intros, recommandations, feedback). Dans ce cas, j’active les membres du syndicat. Win‑win : les fondateurs reçoivent de meilleures pistes, et les membres se sentent utiles et valorisés.
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